À l’occasion de la fête du travail célébrée le 1er mai, Africa Global Security propose de faire un état des lieux de la promotion de la santé et de la sécurité au travail au Maroc, mais également d’identifier les défaillances et les pistes d’amélioration dans ce secteur.
Alors qu’en 2019 l’Organisation Internationale du Travail soulignait que chaque année 2,78 millions de décès liés à des raisons professionnelles avait été enregistrés dans le monde, le Maroc quant à lui comptabilisait plus de 50 000 cas d’accidents de travail en 2018, causant 756 décès, 13 208 cas d’incapacité temporaire et 36 561 cas d’incapacité permanente, selon les derniers chiffres du ministère de l’Emploi et de l’Insertion professionnelle.
Certains incidents de travail graves s’étant déroulé au Maroc ces dernières années ont notamment indigné et alerté l’opinion publique et les pouvoirs publics sur le déficit des règlementations en matière de promotion de la santé et de la sécurité au travail dans le Royaume.
Parmi ceux-ci, on peut citer l’incendie de « Rosamor » à Casablanca qui a fait 55 morts en 2008, ou encore l’accident d’une mine de charbon au cours duquel trois travailleurs sont décédés d’une intoxication au CO2 dans la ville de Jerada en août 2022. Plus récemment, la crise de la Covid-19 a également révélé plusieurs insuffisances dans le secteur de la sécurité et de la santé au travail.
Si chacun de ces deux événements tragiques a eu pour conséquence de déclencher un sursaut direct et instantané de la part des autorités qui ont aussitôt annoncé la mise en place de nouvelles mesures, parmi celles-ci la ratification de la Convention n°187 de l’OIT concernant le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail, la création d’un comité interministériel visant à œuvrer à la mise à niveau des textes juridiques et la mise sur pied de l’Institut National des Conditions de Vie au Travail (INCVT) placé sous la tutelle du ministère de l’Industrie et Commerce, les derniers chiffres publiés le 28 avril 2023 par l’Organisation démocratique du travail ont pourtant fait état d’un nombre d’accidents de travail en augmentation, soit 2000 décès par an, démontrant par-là l’inefficacité de ces dispositifs dans la résorption des accidents de travail.
À ce jour, le Maroc est même classé parmi les pays au plus fort taux d’accidents de travail mortels dans la région MENA par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Seulement, la publication dans le cadre d’une auto-saisine par l’Assemblée générale du Conseil économique et social (CESE) en 2020 d’un rapport intitulé « Santé et sécurité au travail :
un appui essentiel au développement économique et social » démontre l’intérêt grandissant du Royaume pour cette thématique importante et cruciale « par rapport aux enjeux du développement et au soutien à la compétitivité de l’entreprise, au même titre qu’à la bonne gouvernance du secteur public et l’amélioration des services publics » peut-on lire en introduction dudit rapport.
Le Maroc dispose en effet d’un arsenal juridique qui consacre un certain nombre de droits civils et sociaux relatifs à la santé et la sécurité au travail.
En ce sens, plusieurs articles de la Constitution consacrent le droit à la vie et à l’intégrité physique et morale. S’ajoutent à ceux-ci les articles du Code du travail encadrant spécifiquement la santé et la sécurité au travail dans le secteur privé (« Titre IV- L’hygiène et la sécurité au travail des salariés »).
Parmi les mesures phares prévues par le Code on peut trouver la responsabilité qui pèse sur l’employeur d’initier l’intégralité des mesures à même de protéger la sécurité, la santé et la dignité des employés lors de l’exécution du travail qu’ils sont appelés à accomplir dans le cadre de leur emploi, la création d’un service médical de travail indépendant et d’un comité de sécurité et d’hygiène au sein des entreprises employant au moins cinquante salariés.
Néanmoins, malgré l’existence d’un cadre juridique garantissant les mécanismes et normes de base pour l’établissement des règles de santé et de sécurité au travail, de réels déficits existent quant à l’application de ces règles et de ces exigences sur le terrain.
Par exemple, sur 10 millions de personnes actives, seules 2,6 millions sont couvertes par une assurance d’accident de travail.
Également, seules 17% des entreprises ont mis en place une commission de sécurité et de l’hygiène alors même que celle-ci est une obligation légale.
Dans son rapport, le CESE a également identifié les principales lacunes dans l’engagement du secteur économique envers les règles de santé et de sécurité du travail.
Premièrement, la faible culture de la santé et la sécurité du travail chez les Très Petites Entreprises (TPE), Petites et Moyennes Entreprises (PME) qui voient dans l’amélioration des conditions de travail un surcoût inutile (alors que celles-ci représentent respectivement 5,3% et 94,20% du tissu économique marocain).
Deuxièmement, le manque de moyens humains et matériels de l’inspection du travail afin de contrôler efficacement le respect de la loi par les agents économiques.
Troisièmement, le manque de compétences dans un certain nombre de spécialisations requises dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail dû à l’absence de filière de formation spécialisées.
En tout état de cause, le Maroc fait face à plusieurs défis dans la promotion des normes de santé et de sécurité au travail :
dispositif législatif déficient, faible appropriation de la loi par les TPE et les PME, absence de culture de la santé et de la sécurité au travail, manque de moyens humains correctement formés pour sensibiliser et contrôler l’application des normes, pour ne citer que les principaux.
Pour aller de l’avant et consacrer un environnement propice au développement économique, le Royaume est alors appelé à déployer une réelle stratégie nationale afin de surmonter ces défis. Mais cela ne se fera pas sans l’implication inconditionnelle des agents économiques et du secteur privé.
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Actualité du 14/05/2023 par DOHA LKASMI, CEO AFRICA GLOBAL SECURITY